En tant que professeurs de yoga, nous sommes souvent perçus comme des modèles de sérénité, de force intérieure et de présence. Pourtant, nous restons des êtres humains, traversés par les mêmes tempêtes que nos élèves : un deuil, une séparation, une maladie, un burn-out, une perte de sens… Ces moments fragiles peuvent soulever une question difficile : comment continuer à enseigner quand on se sent soi-même ébranlé·e ?
Cet article n’apporte pas de recette magique, mais des pistes empreintes de douceur et de réalisme, pour concilier notre rôle d’enseignant·e avec le besoin profond de prendre soin de soi.
1. Accueillir sa vulnérabilité
La première étape, c’est d’accepter ce que l’on vit, sans chercher à le masquer ou à se juger. La tentation peut être grande de « mettre un masque », de faire semblant que tout va bien pour ne pas inquiéter ses élèves. Pourtant, refouler ses émotions ne fait que renforcer la fatigue intérieure.
Le yoga nous invite à accueillir ce qui est. Se donner le droit d’être vulnérable, c’est déjà un acte de courage. Se rappeler que nous ne sommes pas seulement enseignant·e·s, mais aussi des pratiquant·e·s qui cheminent, aide à garder cette humilité : parfois, notre pratique devient notre refuge.
2. Redéfinir son rôle de professeur
On a souvent l’idée que l’enseignant·e doit être fort·e, stable et inspirant·e en toute circonstance. Mais la vérité, c’est que partager sa vulnérabilité peut être encore plus puissant.
Un professeur qui ose dire : « Aujourd’hui, je traverse une période délicate, alors je vous propose une pratique plus douce » montre qu’il est avant tout humain. Cela peut inspirer ses élèves à s’autoriser, eux aussi, à ralentir, à être honnêtes avec eux-mêmes.
Être professeur de yoga ne veut pas dire porter un masque de perfection. Cela veut dire offrir une présence authentique, même imparfaite.
3. Adapter la pratique et l’enseignement
Lorsque l’on traverse une épreuve, il peut être aidant de simplifier : inutile de proposer des flows complexes ou exigeants si l’énergie n’y est pas. On peut orienter ses cours vers des pratiques qui résonnent aussi avec son propre besoin du moment :
- un yin yoga qui invite au relâchement,
- des pranayamas pour retrouver le souffle et l’ancrage,
- des méditations guidées sur l’accueil, la résilience ou la gratitude,
- un yoga restauratif pour déposer les tensions.
Il est tout à fait possible de dire aux élèves : « Je sens que ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est de ralentir. » Souvent, ce que nous traversons résonne avec ce qu’eux-mêmes vivent.
4. Trouver du soutien extérieur
Il est essentiel de ne pas porter tout cela seul·e. Enseigner peut être épuisant si l’on garde ses émotions à l’intérieur. Trouver un espace de soutien est crucial :
- Partager avec d’autres professeurs, dans un cercle de pairs ou un groupe de soutien.
- Demander à un·e collègue de remplacer un cours si l’on n’a vraiment pas l’énergie.
- Consulter un thérapeute ou un accompagnant pour avoir un espace d’écoute.
S’autoriser à demander de l’aide n’est pas un signe de faiblesse. C’est une façon de prendre soin de soi… et de ses élèves.
5. Maintenir l’équilibre personnel
Quand on vit une épreuve, le risque est de se perdre dans l’hyperactivité ou, au contraire, de s’épuiser à vouloir « tenir coûte que coûte ». Quelques clés simples peuvent aider :
- Maintenir une pratique personnelle régulière, même très courte, comme un fil conducteur.
- Bloquer des moments de repos réels dans l’agenda, sans culpabilité.
- Poser des limites : réduire son nombre de cours temporairement si nécessaire.
Se rappeler que notre énergie est précieuse. Nos élèves bénéficient bien plus d’un enseignant qui sait préserver son équilibre que d’un enseignant qui s’épuise à donner plus qu’il ne peut.
6. Transformer l’épreuve en chemin d’enseignement
Les épreuves de vie ne sont pas des obstacles à notre rôle de professeur : elles peuvent devenir des enseignements en soi. Elles nous ramènent à l’essentiel, elles nourrissent notre sensibilité et notre capacité d’empathie.
Un professeur qui a traversé des tempêtes sait parler du calme avec plus de profondeur. Un enseignant qui a connu la douleur peut guider ses élèves vers la guérison avec plus d’authenticité.
Ce que nous vivons, même difficile, peut enrichir notre pratique et notre manière d’enseigner. Non pas en « donnant des leçons de vie », mais simplement en incarnant l’acceptation, la sincérité et l’humanité.
Conclusion
Enseigner le yoga lorsqu’on traverse une épreuve n’est pas facile. Cela demande du courage, de l’honnêteté et une grande bienveillance envers soi-même. Mais c’est aussi une occasion unique de réaffirmer ce que le yoga nous enseigne depuis toujours : accueillir la vie telle qu’elle est, avec ses ombres et ses lumières.
En fin de compte, nos élèves n’attendent pas que nous soyons parfait·e·s. Ils attendent que nous soyons vrais. Et parfois, c’est justement dans nos moments de fragilité que nous transmettons la plus belle leçon : celle de l’authenticité.
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